Ok, voilà le plan : rejoindre Almaty par la route, c'est à dire traverser le pays d'ouest en est, un peu plus de 3500kms d'après ma carte. Il y des routes assez principales, même si elles doivent être assez défoncées par endroit, et puis il faut surtout voir ce que cela donne en hiver. Il y a-t-il suffisamment de circulation, peut-être des tronçons sont impraticables, à quoi ressemble la steppe? Bref, dans tous les cas, pas moyen que je prenne le train comme tous les gens m'ont conseillé, je suis bien motivé.


Première journée, je sors d'Aktau à pied, je fais signe à un camion, il s'arrête, c'est parti. La route avance, et je suis sur le cul quand je vois des chameaux et des dromadaires, bien poilues les bêtes. Je serai invité dans une famille, dans un village, pour manger. Des flocons de neige tombent. Je découvre un des plats nationaux, le besbarmak : de la viande à gogo avec des pâtes et des oignons. Le bouillon ensuite, ainsi que du thé, du lait et des gâteaux, le tout sur une table basse.



Un camion me récupère avant la nuit, 150kms après Aktau. La route devient plus ou moins une piste avec de la neige. Grand moment quand le chauffeur s'arrête sur le bord, rien en face de nous. Il sort de quoi casser la croûte : de la saucisse, des œufs, du pain et le gaz pour faire du thé. Pour le dessert, un pétard ! Je ne vous raconte pas l'ambiance après… il me chante un machin en kazakh, je lui sors des chansons françaises, on se marre la gueule.

23h30, km 336, il tourne à gauche pour rejoindre une zone pétrolière assez loin, je reste là. Je cale vite ma tente à la lumière des phares. Nurlbeck me laisse un briquet avec une petite lumière bleue, puis je me retrouve tout seul, vraiment tout seul. Au milieu de la steppe, je croise les doigts pour ne pas me faire attaquer par une meute de loups, mais sinon grosse ambiance. Même s'il ne fait pas si froid la nuit, je vais bien me peler bien les miches.



Plusieurs kilomètres à pied le matin, il n'y a personne qui passe, je mange ma pomme et des pépites. Une camionnette débarque enfin et j'arrive à Beyneu, 460kms d'Aktau. C'est un peu la misère là aussi, je commence à me demander si je ne vais pas arrêter un train en route, ce serait énorme. Mais voilà deux 4*4 qui viennent de s'arrêter à la station essence, oh je le sens bien.

Deux véhicules flambants neufs qui arrivent des Emirats Arabes Unis, les gars m'embarquent. Un verre de vodka et en avant la musique, pour 850 bornes jusqu'à Aktöbe, excellent. Ce sont 2 nuits et 2 jours de oufs à venir.



Un remake de la transamazonienne en pleine nuit, mais sans la forêt et avec des températures négatives : la route est défoncée avec des ornières et un mélange de neige-boue-glace. Un camion est couché, d'autres sont bloqués, nous galérons aussi un peu. Première nuit dans la voiture avec les flammes de pétrole de la région de Tengiz en face de nous, sacré ambiance.

La route est en général surélevée par rapport aux étendues de la steppe, mais quand l'asphalte est trop mauvais, avec des nids de grosses poules, il est mieux de prendre des pistes en parallèle. A donf sur la neige, avec de la musique russe, c'est du bonheur. Je ne suis plus qu'avec Serik maintenant, l'autre 4*4 nous a abandonnés.



Début de la deuxième nuit, la route sur laquelle nous sommes est gelée. Ok, le véhicule part en couille, ça chasse à gauche, puis à droite, puis à gauche… et baaammm, planté en contrebas de la route, bloqué comme il faut dans la neige. Pas d'autres solutions que d'attendre un camion. Au bout d'une grosse heure, c'est un gros Kamaz qui nous sort de là. L'ambiance est assez taré : comme au milieu de rien, dans la nuit, avec des kazakhs habitués à ce genre de situation, vraiment le bon trip d'être là.

Nous repartons pour plusieurs heures, en se relayant et en faisant gaffe de ne pas se replanter. Arrivé dans un village au milieu de la nuit, chez de la famille à Serik, fatigué de la route, petit repas et au lit. Le dernier tronçon jusqu'à la grande ville d'Aktöbe se fera nickel. Je resterai une nuit dans la famille, super bien accueilli. Ambiance très hivernale dans les rues mais il ne fait pas si froid, vers les –5°C.



Samedi 13 janvier, 20kms après Aktöbe, la route en bon asphalte est plus ou moins bloquée par des accumulations de neige ramenée par le vent. Des véhicules font demi-tour, dont mon camion, mais je reste là, d'autant plus que c'est le bordel et que j'aime ça. Des voitures dans tous les sens, une déblayeuse et un chasse-neige qui arrivent, ça avance doucement. C'est re bloqué plus loin, bref, j'avance à pied là-dedans et je m'éclate. Je suis un peu l'attraction de tous les locaux, une voiture m'appelle pour venir boire de la vodka, dans une autre on m'invite à la prochaine ville, les gens rigolent, c'est la fête quoi.

70kms plus loin, Khromtau, ville où on extrait du chrome, je retrouve la BMW avec Nurlybek et Samal qui m'avaient lancé l'invitation. Je reste 2 nuits chez eux, bien sympa. L'ambiance dans la petite ville est cool, beaucoup de blocs soviétiques, des petits parcs, les tuyaux de gaz et les canalisations d'eau à l'extérieur du sol, et de la neige partout.



Lundi 15 janvier, j'arrive à Qarabutaq en fin de matinée, il fait super beau et –15°C. C'est le début d'un tronçon important, 350kms plein sud, en direction d'Aral, et avec pas grand chose au milieu, j'espère au moins que ça se fait. Au début de la route, je m'arrête à un endroit où il y a des camions, des bons Kamaz tabarnak. Le contact passe avec bien les gars et ils m'invitent au chaud pour manger un coup. Ils reviennent d'Aral et j'ai alors confirmation que c'est tout bon, super.

Une voiture passe non de dieu, et je me fais embarquer, magnifique, facile. Oh, mais je ne sens pas bien le truc, les 3 gars sont des cons. Le chauffeur conduit comme un débile, et quand la route se gâte, la voiture fait des bons dans les trous et nous partons direct en travers, ils sont morts de rire. Ça va qu'un camion nous suivait pour nous sortir du bas-côté. 5 minutes plus tard, réservoir percé, et là c'est un peu plus la merde.



Pendant le temps de la réparation à la démerde, un autre véhicule arrive, une petite jeep du coin. 3 mecs dedans dont un qui semble être un vrai connard… et il commence à m' enmerder, à me faire des menaces avec ses cartouches de chasse, et à vouloir fouiller mes affaires. Morisse le pauvre touriste, je ne peux rien contrer à ça, au milieu de 6 gars dans la steppe du Kazakhstan. Tout le monde rigole et moi je prie pour que le gars ne soit pas trop intéressé par mon appareil photo ou d'autres trucs importants. Mais bon, je ne sais pas trop ce qu'il voulait car je m'en sors bien et il me semble juste qu'il m'est pris un petit peu de monnaie, sans plus.


La jeep se barre pendant que je range mes affaires comme un pauvre gars sans défense. Les 3 premiers cons sont prêts à repartir aussi, mais ce sera sans moi. Le soleil est en train de se coucher et en 2 temps 3 mouvements, je me retrouve tout seul, mais tellement mieux. Ok, je reviens en arrière car je crois me rappeler un hameau de maisons. Mais une voiture débarque et ce sera bon pour le lift, direction Aral à nouveau.


Environ 300kms, dont une grosse partie à 30km/h sur une route bien défoncée. Le ciel est gavé d'étoiles, il fait un bon –25°C, nous roulons quasi toute la nuit. Il y a de temps en temps des maisons le long de la route, avec pas grand chose autour, où des familles vivent. Nous nous arrêterons au niveau d'une baraque pour que les gens nous servent à manger. Un groupe électrogène tourne dehors, la télé est branchée sur des batteries de bagnole, des conduits dans les murs chauffent les pièces. Plus loin, nous trouverons un gars pour acheter de l'essence qu'il a stockée dans des bidons. Ambiance de steppe.



5h du matin, Aral. Les gars continuent leur route mais je descends ici pour voir à quoi ressemble le coin, enfin quand le jour sera levé. La petite ville est excentrée sur la droite, je vais geler si j'essaie de m'y rendre. Je choisis plutôt l'option d'aller frapper au carreau de la petite baraque de la station essence à 30 mètres de là. Le bonhomme super sympa me fait entrer et je finis ma nuit sur une chaise à côté d'une résistance électrique.

Le lendemain, j'ai pied quand je me ballade à côté de vieux bateaux rouillés. Le port désaffecté de la ville donne une vision un peu apocalyptique. Nous voilà sur les anciens bords de la mer d'Aral.


La mer d'Aral : le Kazakhstan et l'Ouzbékistan se partagent cette mer. En 1960, c'est le 4ème plus grand lac du monde, mais par la suite des planificateurs soviétiques ont commencé à pomper de l'eau des deux grands fleuves qui l'alimentent pour irriguer des nouvelles plantations de coton. La mer commence à rétrécir et ce problème devient un désastre écologique : salinité croissante, les espèces de poissons disparaissent, l'air s'assèche. Le vent disperse le sel aux alentours, des maladies respiratoires et des cancers apparaissent. Au niveau d'Aral, la mer a reculé jusqu'à 30kms.


Ok, suite de la traversée du pays : il reste bien 1500kms mais la route est maintenant nickel, il y a de plus en plus de circulation, facile quoi. Passage par Baïkonour où je m'imagine continuer ma route dans une fusée. Turkistan, je plante la tente au pied d'un énorme mausolée. Shymkent, on m'ouvre un appartement pour passer la nuit. Taraz, je dors dans la cabine d'un camion dans un parc routier.

Dernière journée, des montagnes sont apparues au sud, 2 trains qui se croisent au premier plan, le soleil qui éblouit sur la neige, des vendeurs de miel sur le bord de la route, tout roule Raoul. J'arrive donc sur Almaty le samedi 20 janvier au soir, après 12 jours de traversée. Mis à part des abricots secs au début, un petit resto à Aral et un pique-nique en route, cela ne m'a quasiment rien coûté, merci aux gens que j'ai rencontrés, c'était du royalobar.


Le Kazakhstan compte environ 17 millions d'habitants et est le 9ème pays le plus grand au monde. La capitale est Astana mais Almaty est la ville la plus importante avec 1,2 million d'habitants.




Traversée du Kazakhstan, 12 jours, mi-janvier