Passage par le barrage d'Atatürk, sur le fleuve Euphrate, puis route par Diyarbakır. Je traverse ensuite Batman (Batman tan tan tan, batman...) pour aller me poser 2 jours à Hasankeyf. Ce petit village n'existera plus d'ici quelques années, il sera sous l'eau suite à un projet de barrage plus en aval sur le Tigre.

Le Tigre et l'Euphrate : ce sont 2 gros fleuves d'Anatolie orientale, qui partent ensuite vers la Syrie et l'Irak. Le projet GAP, datant de 1976, donne lieu à de nombreux barrages sur chacun de ces fleuves : électricité, irrigation et envol économique ! Bref, la Turquie contrôle aussi l'alimentation en eau des 2 pays au sud et cela crée quelques fois des tensions.



Sur ma route : beaucoup de champs de coton, des troupeaux qui broutent les dernières touffes d'herbe sèche, des campements de bergers, en pierres et recouvert de bâches, un climat froid et sec et des montagnes qui arrivent. Apres ma première nuit en tente, j'en conclu qu'il va falloir que je trouve un coin au chaud pour dormir chaque nuit !! Et ce n'est pas des conneries, il commence vraiment à cailler.

Au petit village d'Hasankeyf, touristique, les gens ne comprennent pas trop ma manière de voyager. Mais bon, je me fais quand même des potes et je dors une nuit dans un café, à coté du poêle. Pour les 2 nuits suivantes, j'ai repéré un abri creusé dans la roche (certains servent d'écuries pour les ânes), même style que ce qu'on trouve en Cappadoce, le top. Je me suis tâté pour y rester.



La Syrie est à 100 kms, l'Irak à 200, mais je remonte vers le nord. Je m'éclate à faire du stop. J'arrive au lac de Van, vers les 1700m d'altitude, et je passe une nuit dans la mosquée d'un petit village, super ambiance. Réveillé par la première prière, 5 gars sont à genoux à coté de mes couvertures. La journée, je contourne tout le lac par le sud et l'est pour ensuite tracer vers Doğubayazıt.

Passage sur des superbes plateaux montagneux, au dessus de 2000m, un col à 2644m, les sommets autour sont blancs et je me tape une grosse caillante en traversant un village à pied. Un peu partout, on voit des guérîtes de l'armée turque mais beaucoup ne servent plus, quoique pas mal sont occupées aussi. Cependant, il y a toujours des barrages et quelques contrôles. Mais aucun souci pour voyager dans la région (enfin, de ce que je vois moi).


Petite note : ces derniers jours, je suis tombé sur des gens un peu relous, même chiants. Tout simplement parce qu'ils ne comprennent pas mon voyage. Pourquoi je viens ici l'hiver? pourquoi je ne dors pas à l'hôtel? pourquoi ci, pourquoi ça ?? J'ai des fois du mal à leur expliquer et il m'est même arrivé de descendre de un ou deux véhicules, sinon je devenais fou. En tous cas, le concept de la vie n'est pas le même pour tous : "Mais Morisse, pourquoi tu viens voyager ici à budget réduit alors qu'il y a du travail en France et que tu peux gagner beaucoup d'argent ??" Tabarnak !

2éme petite note : Je ne compte pas tous ceux qui veulent que je les ramène en France. Et c'est toujours un sujet délicat à traiter, pas évident. Mais bon, j'esquive pas mal en disant que c'est fini pour moi la France, ou du moins que je ne sais pas quand je rentre. Ce n'est peut être pas toujours très cool de ma part, un peu égoïste, mais sinon je ne m'en sors plus. Bref, je retiens que le voyage est facile pour un français, tellement plus galère pour les gens que je rencontre. Merci au passeport de la république française.


Doğubayazıt, sur la route pour l'Iran, 35 kms, je dors dans une gare routière, dans le bureau du chef, avec un gars qui y travaille. Dehors, la température est sûrement proche des moins 10 degrés, je ne sais pas trop. Aslan, la quarantaine, me fait peur quand il enlève son dentier.

En 1998, il a été arrêté par les militaires turcs et tabassé pendant 10 jours, puis pendu par les pieds 3 jours durant, avec 2 mois de coma à la suite de cela. Il a les larmes aux yeux quand il m'en parle. "Ici, tout le monde est du PKK" il me dit, "nous ne sommes pas turcs".



Bonne nuit au chaud et le lendemain je monte au palais d'Ishakpaşa, un beau truc à voir ici. Sur le chemin, on passe au milieu des casernes militaires : des chars et des blindés sont alignés, et les militaires sont présents. Le palais en jette pas mal mais je préfère une petite escapade sur la crête en face, pour dominer un peu plus les environs. Je n'irai pas plus à l'est, de peur de passer pour un type qui frauderait par la montagne, surtout que j'ai vu des militaires sur la montagne plus au sud. Sacré ambiance quand même, et c'est magique lorsque s'ajoute à cela le son des muezzins montant des vallées !

Quand je quitte la ville en stop, le décor est excellent, avec le sommet à 5100m (et des poussières), magnifique, et son petit frére à quasiment 3900, posés derrière moi. Mont Ararat ou Ağrı Dağı ? la première version est arménienne, la seconde est turque. Pour cette raison, l'ascension est plus que réglementée. Mais j'en resterai sur la vue avec les camions venant d'Iran passant à coté de mon pouce.


Mercredi 13 décembre 2006

Atcho patcho, nous arrivons au jour d'aujourd'hui ! Je suis au village de Taşlıçay, 30 kms avant Ağrı. Je suis arrivé hier soir avec un gars qui a un commerce de textile. J'ai passé la nuit dans la maison des professeurs de l'école, dans un dortoir.. peut être que ce soir je dormirai dans le cyber café, on verra ça plus tard.

Je vais à présent mettre le turbo pour quitter le pays, 50 jours que je suis en Turquie. Mon passage à Erzurum va probablement passer aux oubliettes, cela aurait été pour le consulat iranien et éventuellement un visa. Mais je pense zapper cette option pour question timing et pratique, ce sera pour un autre voyage. Le projet est de tracer vers la Georgie et l'Azerbaïdjan, puis un bateau pour le Kazakhstan (traversée de la mer Caspienne).

Je vous dis donc à bientôt, je ne sais où. Je ne sais pas où je serai pour Noël, mais par contre je me ferais bien le nouvel an sur la Caspienne ! Plein de bises de Morisse.

Adrien


>Rubrique pratique

Je vais faire court sur cette rubrique, juste savoir qu'on sillonne le pays en stop sans problèmes, et même facilement. En ville, les petits 'dolmuş', minibus, coûtent en général 0,5 euros et sont bien pratiques pour se déplacer. Je sais aussi que ça ne coûte pas très cher pour faire des petites distances interurbaines, mais ce n'est pas mon domaine.

Pour manger, vive le kebab, ou bien toujours des petits restos pour 2 ou 3 euros. On mange bien : viandes, produits laitiers, légumes et fruits dans tout le pays. Les cafés sont un lieu sympa, les gens fument beaucoup. Il y a un barbier à chaque coin de rue, juste après le cireur de chaussures. Les gens sont gentils, pas de soucis. Mais ce n'est pas forcément pour cela qu'on est hébergé en claquant des doigts.

De manière générale, j'ai trouvé ce pays plus cher que les derniers d'Europe de l'Est. Ce n'est pas un pays pauvre. Il n'y a pas de grosse misère de quoi que ce soit, même si dans certains endroits la vie est plutôt rustique.


La Turquie est un pays musulman et c'est toujours un bonheur d'entendre la prière du muezzin venant des mosquées.



Route vers Erzurum

(debut décembre)